Un soulier de verre, c’est fragile. Mais la vérité l’est encore plus. Imaginez Cendrillon, non pas en héroïne docile, mais en stratège dissimulée derrière son sourire angélique : la version originelle du conte réserve des rebondissements dont Disney n’a jamais osé parler.
Saviez-vous que le bal ne s’arrête pas au coup de minuit, et que la pantoufle pourrait mener à tout autre chose qu’un mariage féerique ? Entre rivalités sanglantes et pactes secrets, la véritable fin de Cendrillon n’a rien d’un happy end. Exit les citrouilles et les fées scintillantes, l’envers du décor s’étale enfin au grand jour.
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Pourquoi la fin de Cendrillon fascine-t-elle encore aujourd’hui ?
La fin de Cendrillon continue d’alimenter débats et fantasmes collectifs, traversant sans encombre les siècles et les frontières. Si la plume de Charles Perrault façonne l’imaginaire hexagonal, celle des frères Grimm ne recule devant aucune noirceur. Quand Disney s’en empare en 1950, le conte s’adoucit jusqu’à l’eau tiède, polissant toute cruauté et gommant la complexité des premiers récits. Pourtant, la fascination demeure, précisément parce que la pantoufle de verre incarne autre chose qu’un simple objet magique : elle questionne la légitimité, la reconnaissance, le passage de l’ombre à la lumière.
Multiplicité des versions, pluralité des lectures
- La version Perrault, symbole de douceur, met en scène la victoire de la bonté récompensée.
- La version Grimm dévoile la brutalité familiale : les demi-sœurs n’hésitent pas à mutiler leurs pieds pour forcer le destin.
- Avec Joël Pommerat au théâtre, le mythe s’effrite : Cendrillon n’est plus une simple spectatrice de sa propre histoire, mais une jeune fille en quête d’elle-même, bien loin des clichés de la princesse passive.
La fin de Cendrillon condense des désirs ambivalents : ascension sociale, envie d’émancipation, mais aussi doutes et luttes intérieures. Chaque époque s’approprie le récit pour y déposer ses obsessions, ses rêves et ses contradictions. Ce fameux soulier, convoité par tous, révèle une aspiration universelle : être choisi, reconnu, sortir de l’ombre.
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Les versions oubliées : quand le conte prend une tournure inattendue
Des pans entiers du mythe sont longtemps restés dans l’ombre. La version de Charles Perrault a fait oublier des récits plus anciens, parfois plus abrupts. Dès le XVIIe siècle, Giambattista Basile glisse dans son « Pentamerone » une héroïne baptisée Zezolla. Ici, la marraine n’a rien d’une fée translucide : elle inquiète, intrigue, brouille les repères. Quant au soulier, il se métamorphose : écaille de poisson, fourrure, rien n’est figé, et chaque matière réinvente le symbole.
Grâce aux travaux d’Anna Birgitta Rooth, ethnologue suédoise, le Cinderella cycle prend une ampleur mondiale : plus de 700 variantes du conte recensées sur tous les continents. En Chine, la version de Ye Xian précède de plusieurs siècles celle de Perrault. Les mêmes ingrédients reviennent : objet perdu, épreuve à franchir, quête de reconnaissance, mais la fin se dérobe aux attentes. Cendrillon n’épouse pas systématiquement le prince, parfois elle trace sa propre voie, loin des dorures du palais.
- Dans « Once Upon a Time », série américaine, la marraine-fée flirte avec la manipulation, brouillant le jeu de l’innocence et du pouvoir.
- Les réécritures contemporaines, inspirées par Rooth ou les légendes nordiques, offrent à l’héroïne la résistance et la lucidité, bien loin du carrosse magique et du mariage imposé.
La pantoufle se mue alors en symbole multiple : accessoire d’identification ou piège, selon les versions. Que l’on convoque des matières surprenantes ou des épreuves inédites, le conte échappe à toute tentative d’enfermement.
Ce que révèle la véritable conclusion du récit
La fin véritable de Cendrillon, loin des paillettes de Disney, questionne le sens de la justice au sein du conte. Chez Perrault, l’héroïne fait preuve d’un pardon désarmant : elle accueille ses belles-sœurs à la cour, dépassant rancune et ressentiment. La pureté prend ici la forme d’une clémence, d’une capacité à transcender la vengeance. La pantoufle de verre, auréolée de mythe, devient le miroir d’une âme limpide mais fragile.
Chez les frères Grimm, la justice se montre sans appel. Les belles-sœurs, prêtes à tout pour enfiler le soulier, se mutilent. Le prince, guidé par des oiseaux, découvre la supercherie et la sentence tombe : les sœurs perdent la vue, châtiées pour leurs manigances. Ici, l’innocence n’est plus seule en jeu : le récit s’attarde sur le prix à payer pour les actes commis, sur la frontière ténue entre ambition et déchéance.
- La transformation opérée par la marraine-fée, du foyer de cendres à la lumière du bal, souligne le pouvoir du rêve tout en imposant une traversée des épreuves.
- La pantoufle merveilleuse s’invite sur toutes les scènes, du ballet de Prokofiev aux planches de Joël Pommerat au théâtre Saint-Martin, révélant une héroïne qui s’émancipe, brise les carcans et se réinvente.
Entre grâce et rigueur, la dernière page du conte n’en finit pas de fasciner : on y devine un dialogue sans fin entre l’imaginaire et les questions de justice, de pardon, de rédemption.
Entre mythe et réalité : décryptage des interprétations modernes
La figure de Cendrillon voyage à travers le temps, constamment réinventée par le cinéma, le théâtre, la littérature jeunesse. Les studios Disney ont figé, dès 1950, une version lumineuse : robe vaporeuse, magie salvatrice, prince charmant. Mais derrière le vernis, la rugosité du conte originel disparaît au profit d’une féerie sans aspérité.
Le théâtre contemporain, avec Joël Pommerat, bouscule la mécanique du mythe : sa Cendrillon, née en 2011, refuse de se laisser porter. La marraine-fée n’a plus tous les pouvoirs, la pantoufle n’est qu’un prétexte, et le salut ne se niche ni dans un costume ni dans la rencontre du prince. Tout se joue dans la quête intérieure, la reconstruction du moi, loin de toute magie extérieure.
- Le film de Kenneth Branagh (2015) mise sur la force morale de l’héroïne, qui préfère le pardon à la vengeance.
- Les adaptations anglo-saxonnes, de “Ever After” avec Drew Barrymore à “A Cinderella Story”, modernisent la figure : la princesse prend en main son destin, refuse d’attendre un sauveur, s’affranchit des codes.
La pantoufle de verre, toujours présente, reste le symbole de la métamorphose et de la reconnaissance. Pourtant, les créateurs d’aujourd’hui la questionnent, la détournent, la bousculent. La Cendrillon contemporaine n’a plus rien d’une héroïne passive : elle choisit, s’affirme et se défait, enfin, des barreaux dorés du conte. Le soulier de verre pourrait bien, un jour, être laissé derrière pour de bon.